Dangereuse excursion de Mosen

*'fait noir ici.*
Soudain, je me sentait un peu moins l'âme d'un aventurier. Et puis mon vélo pourrait attendre, non ?

Je posais le pied sur la première marche. Puis l'autre suivit. Je serrais fort mon paquet de biscuits que j'avais trouvé dans la cuisine. J'en pris d'ailleurs un que j'enfournai immédiatement. Paré pour la seconde marche. Je me mis à chanter doucement une petit chanson que maman me chantait pour m'endormir.

"Lala lalala, maman est en haut..."

Deuxième marche. Il faisait de plus en plus sombre quand je descendais.
*J'ai un peu peur.*
"Lala lalala, papa est en bas..."

J'imaginais, comme dans les contes de fée, ce que je pouvais trouver en bas des marches.
*Et si je trouvais un dragon ? Alors, je le terrasserait avec mon épée. Yaha !*

Et puis je brandis mon paquet de biscuit comme une épée que j'agitais dans tous les sens.
*Et après, je prendrais son trésor, et je l'apporterais à maman et papa.*
"Maman, papa"

Pas de réponse, bien sûr, mais on pouvait toujours espérer, non ? Je continuais à imaginer de belles aventures.

*...et puis je bloquerai son coup de griffe avec mon épée. Mais le dragon est méchant et fort, il va me la casser. Pas grave, je suis plus malin. Je lui tournerai autour pour qu'après il s'écroule et là je lui attacherai ses vilaines pattes avec... heu...*

Je cherchai autour de moi. Et je pensai à ma ceinture.

*...avec ma corde ultra-solide. C'est mon père qui l'a faite !*

J'en étais à la sixème ou septième marche, en parlant à voix haute.
"... et puis une fois ses pattes attachées, j'irai dans sa grotte et là, je pourrai prendre son trésor. Mais ce sera une énooorme trésor. Grand comme ça !"
J'écartai les bras au maximum.

"Oh ben zut. Je pourrai pas tout prendre. Alors je prendrai d'abord des truc qui pourrait faire plaisir à papa et maman."

Je réfléchis un instant...
"Et puis aussi pour Madama Isarina et Monsieur Eléazar, et pis ma maîtresse. Et aussi pour..."

Dixième marche. A la onzième, je dus m'arrêter pour attacher mon lacet.
"Pfff, il est long cet escalier. Quand est-ce qu'on arrive ?"

Je m'assis sur la quatorzième marche et je me mis à rêver tout éveillé que j'avais une baguette magique qui avait le pouvoir de faire disparaître le Noir et les ombres...

J'observai avec un sourire bienveillant le petit garçon. Il se leva et s'approcha d'une porte en marmonnant quelques paroles incompréhensibles. J'étais perdue dans mes pensées, si bien que je ne vis pas où il rentrait. Je me retournai pour aller dans ma chambre lorsque mon cerveau tilta.

*Je vais montrer à Mosen mon piano lalala, il est trop mignon ! là il est allé jouer...où d'abord ? Mais !*

Je me paralysais sur place. Une seule question m'obsédait : où ? Je me retournai et contemplai la porte qu'il avait refermé derrière lui. Je m'approchai et observai l'étrange signe de la porte. Mes sourcils se fronçèrent tout seuls. Ça évoquait en moi une drôle de sensation... J'abaissai le regard sur le poignée et l'enclencha lentement. Elle s'ouvrit toute seule sur un escalier qui s'enfonçait dans les ténèbres. La petite voix de Mosen résonnait en écho, ainsi que le "Ploc !" de quelques gouttes d'eau qui tombaient du plafond moisi... C'est le seul endroit non-éclairé de toute cette maison de l'horreur. Mon coeur s'accéléra, un relent de pourriture remonta du bout des escaliers, je distinguai une petite forme blancheâtre assise sur une marche en contrebas...

"Mosen ? Remonte vite, ça n'est pas un endroit pour jouer ! "

Il continuait à chanter puis il grommela quelque chose, je pris mon courage à deux mains et descendis les marches, une par une, lentement comme si ma propre vie en dépendait. D'ailleurs peut-être qui sait. Les battements de mon coeur m'assourdissaient. Continuera, continuera pas ?...

"...et puis j'espère que ce sera un grand trésor, comme un montagne avec des pièces d'or et des jolie cravatte pour mon papa et des colliers pour ma maman. Et pour moi, j'aimerais le camion de pompier que le père Noël doit m'apporter cet année, et puis aussi."

"Mosen ? Remonte vite, ça n'est pas un endroit pour jouer ! "

*Tiens, y a quelqu'un derrière. On dirait Madame Isarina*

"M'dam, m'dame, J'ai fini mon paquet de biscuit."

Je remontai et trouvai Isarina. Elle avait un air bizarre, comme si elle avait eu très très peur, comme maman quand j'ai joué à Tarzan avec les rideau de ma chambre.

"Dites, m'dam Isarina, vous voulez venir chercher le trésor avec moi, en bas ?"

Je pointais les tréfonds sombres des escaliers avec mon paquet de biscuit désormais vide. Je m'en aperçus, d'ailleurs. Je secouai le paquet pour en être bien sûr.

"OoOoh, y en a plus."

(veuillez excuser mon absence très prolongée. Je vais essayé de reprendre le fil du mieux possible.)

Des heures? Des jours? Des semaines? ou peut-être des mois? Eléazar avait pris l'habitude de garder un oeil sur le jeune Mosen, bien que sa surveillance dépende principalement de la belle Isarina, et ce depuis bien longtemps à son avis. Il ne se mêlait plus tellement aux autres "pensionnaires" et se contentait de maintenir ses reflexions à un rythme normal pour éviter de sombrer dans la folie. Le jeune garçon, armé de son éternelle insouscience, avait le don de lui redonner son calme dans les pires moments et Isarina, munie de son instinct maternel, le faisait rire intérieurement.

*Une telle gentillesse ne peut lui profiter qu'en présence d'enfants*

se disait souvent Eléazar.
Bien qu'éloigné des autres personnes, il essayait de rester au courant des nouveaux arrivants. Il avait décidé de ne pas faire preuve de son intelligence (très sûrement) supérieure à celles des autres car cela ne lui serait d'aucune utilité.

*Mon cerveau a un mode de fonctionnement trop compliqué pour eux. Ce qu'ils ne comprennent pas les effraie*

Il ne lui arrivait de parler qu'avec les personnes qu'il jugeait neutres comme Isarina.

En ce moment même il avait interrompu la lecture de son livre préféré (Farenheit 451) pour partir à la recherche de Mosen qui, une fois encore, s'était lancé dans une de ses aventures infantile. Il tempestait contre le gamin quand il aperçut Isarina sur le point de descendre dans un lieu de la maison sans lumière. Il eut un rictus incontrôlé lorsqu'il vit qu'elle hésitait. En s'approchant d'elle le plus discrètement possible, il lui murmura à l'oreille de sa voix la plus inquiétante:

"... on a peur?.."

"Pas de trésor, vous êtes sûr ?"
C'était triste, ça. Du coup, je l'appréciait un peu moins.
*Par contre, elle a dit qu'elle me donerait un autre paquet de biscuit.*
"Je pourrai en avoir à la fraise, s'il vous plaît ?"

Je me demandais bien quel pouvait être le bruit qu'il y avait eu en bas. Mais madame Isarina semblait trop préoccupée pour me répondre. Alors j'essaais avec Monsieur Eléazar qui venait d'arriver. Je m'approchais subrepticement vers lui et tirai le pan de son pull.

"Psst, ms'ieur Eléazr. M'sieur, ms'ieur. Y a un drôle de bruit en bas, c'est quoi ?"

Eléazar se tordit de rire jusqu'à ce qu'Isarina se mette à proférer tous ces ordres qui sonnaient comme des insultes à ses oreilles

"Je ne sais aps ce que c'est que ce bruit Mosen"

Eléazar s'approcha du jeune garçon et lui plaça une main protectrice sur l'épaule.

"Eh Isarina ça ne me dérange pas de prendre soin du petit mais c'est pas aujourd'hui que je vais me transphormer en valet et obéir à des ordres. Si tu veux que j'obtempère il va falloir rajouter quelques "s'il te plait" à tes demandes."

*J'ai jamais exécuté un ordre. On pourrait être en pleine situation de crise que je m'y refuserait*

"Et en plus il vaudrait mieux prendre Mosen avec nous c'est plus sûr que de le laisser errer dans les couloirs au risque qu'il tombe sur n'importe qui"