Un bruit sourd lui martelait les tempes. Une horrible douleur lui tiraillait l'estomac... et sa bouche, pâteuse, n'arrivait à émettre aucun son. Avec un détachement complet, elle se vit ouvrir les yeux et regarder autour d'elle, sans rien voir. Son nez refusait de sentir la moindre odeur, et ses membres refusaient de répondre à ses ordres mentaux. Avec horreur, Elène se regardait clouée sur un lit, incapable de bouger, de parler, de voir. De penser.
Combien de temps resta-t-elle ainsi, à se voir, détachée de son corps, à hurler silencieusement pour que ce calvaire s'arrête? Elle n'aurait pu le dire. Qui aurait pu? Elle était seule... se sentait seule. Mais ça ne la dérangeait pas, au contraire.
Finalement, ce furent ses yeux qui, les premiers, recouvrèrent leur fonction. Un clignement. Puis un second, et un troisième. Et les formes de la pièce, une à une, apparurent dans son champ de vision. D'abord, ce fut l'omniprésence d'une seule couleur qui lui fit mal : du blanc, partout du blanc. Plafond, mur, meubles... Tout était blanc, d'un blanc écoeurant et douloureux.
Et puis, ce fut sa bouche qui recouvrit sa fonction. Avec difficulté, elle parvint à émettre un drôle de bruit, un croassement rauque et inaudible. Mais elle parlait, et c'était l'important.
Examinant la pièce avec ses yeux encore douloureux, ce qu'elle vit réveilla son cerveau qui parvint à recommencer à fonctionner normalement : elle pouvait penser, sans douleur.
*Une chambre... Un hôpital... Encore? Pitié, laissez moi partir, laissez moi retourner chez moi...*
Pensées non douloureuses peut-être... Mais pensées incohérentes sans aucun doute.
Soudain, sans comprendre comment cela arrivait, ses doigts bougèrent. D'abord lentement, comme sortant d'un trop long engourdissement. Puis, plus rapidement... et cela s'étendit à ses mains, ses bras puis son corps tout entier. Avec effort, elle parvint à s'asseoir, essayant de ne pas tomber une fois de plus dans l'inconscience, tant sa tête lui tournait.
Finalement, sa vision se stabilisa, le sang affluant à ses temps se fit moins sauvage, et les hauts le coeur disparurent. Enfin, elle put prendre pleine conscience de où elle se trouvait.
Cela avait l'air d'une chambre d'hôpital, d'une écoeurante chambre d'hôpital avec ce blanc omniprésent et ses meubles en fer. Mais ce n'en était pas une, forcément : le sol était en bois, mais en bois blanc. Les meubles étaient bien dessinés, uniques. Et elle pouvait apercevoir des petits motifs sur la tapisserie.
"Où suis-je?" murmura-t-elle. Cet endroit lui était totalement inconnu. Aucunes de ses anciennes amies n'avaient de pièce ressemblant à cela, ni même chez elle, que ce soit en France ou en Angleterre.
Oui, où était-elle?
Avec précaution, elle s'assit sur le bord du lit, faisant pendre ses jambes maigres dans le vide, ses pieds touchant à peine le sol. Il était trop tôt pour se lever... Encore trop tôt, mais le moment viendrait.
Par réflexe, elle tendit la main vers la petite table de nuit adjacente au lit. Mais sa main ne rencontra que du vide... Ou plutôt, que du bois. Pas de boîte de médicament, pas de pilule sortit. Les larmes montèrent aux yeux de la jeune Elène. C'était un cauchemar ! Qui avait bien pu lui prendre, lui arracher la seule chose qui la maintenait en vie? Qui lui faisait oublié sa douleur?
Sanglotant, elle se leva et se rendit enfin compte qu'elle ne portait qu'une petite chemise de nuit, semblable à celle qu'on porte dans les hôpitaux. Une horrible chemise de nuit blanche, immaculée.
Se traînant plus qu'autre chose, passant devant une petite table, un miroir et un broc d'eau, elle se dirigea tout droit vers la porte. Tendant la main vers la poignée, elle ne fut pas étonnée lorsque la porte s'ouvrit sur un couloir... Sombre.
Obscurité bienfaitrice. Si Elène ne sanglotait pas déjà, elle en aurait pleuré de joie, tellement tout ce blanc lui meurtrissait les yeux.
Un pas après l'autre, comme une personne marchant après être restée des jours sans marcher, elle avança dans le couloir...
Seule.